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Lettre à Simone du 28/08/1928
" Quelle ardeur de vie dans
vos deux lettres! Vous me faites presque peur, la peur qu'on a devant une
belle auto lancée à pleine vitesse en imaginant un instant ce qui arriverait
si le moindre boulon venait à lâcher. Je comprends bien cette joie totale
d'exister, bien que je ne l'éprouve jamais que passagèrement; très vite je
vois le but de cette course, cela n'enlève pas pour moi leur prix aux
choses, cela m'empêche de m'y abandonner complètement : que sert à l'homme de
gagner l'univers ?... C'est toujours cela qui revient. Mais ne croyez pas que
je veuille maintenant diminuer votre bonheur, j'y prends au contraire une part
si grande qu'après avoir lu votre lettre je suis prise, moi aussi, par la
douceur de la vie, même par un certain désir d'être plus activement heureuse
que je ne suis, de donner, de recevoir, d'agir, d'aimer, de vivre."
Lettre à Simone
du 28/09/1928
"Mais aujourd'hui je suis
énervée à en pleurer, les choses que j'aime ne s'aiment point, et sous
prétexte de principes moraux, j'ai entendu des choses qui me révoltent. Depuis
deux jours, que je discute avec obstination, Maman a paru changer légèrement
d'état d'esprit, elle m'a dit comme dernière réponse qu'elle me laisserait
peut-être aller à ce tennis quand elle saurait exactement sa composition et
pourrait prendre des informations sur les jeunes gens qui doivent y venir.
J'ai offert ironiquement de signer avant d'accepter un papier par lequel je
m'engagerais à n'épouser jamais, ni Merleau-Ponty, ni son ami, ni le troisième
garçon choisi, cela n'a pas calmé Maman."
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